Voici un bel exemple du comment une chicane de clôture peut débuter …il va sans dire que les noms utilisés sont fictifs bien que cette histoire ne l’est vraiment pas.


Claudia et son conjoint viennent de faire l’acquisition d’un beau et grand terrain sur lequel une magnifique maison est construite. Après quelques semaines à jouir de sa nouvelle propriété avec sa famille, Claudia constate qu’il y a peu d’intimité dans sa cour arrière, plus particulièrement à la limite ouest. Il n’a ni clôture ou haie à cet endroit. Elle décide alors d’entreprendre des démarches afin d’y ériger une clôture.


Par soucis de bon voisinage, Claudia décide de proposer à Roger, son voisin de l’ouest qui semble bien sympathique, d’installer une clôture mitoyenne directement sur la limite de propriété et de partager à part égale les frais de cette construction. De son côté, Roger vient de revamper l’extérieur du bungalow qu’il occupe depuis plus de 35 ans et il se dit qu’une belle clôture neuve ne peut qu’augmenter la valeur de sa propriété. Ainsi, après réflexion, Roger accueille la proposition de Claudia et aimerait s’impliquer dans le projet.


Une semaine plus tard, les matériaux sont dans la cour et ils sont prêts à procéder aux travaux.

Étape 1 : Où est l’emplacement de la limite de propriété commune? Aucun repère ou borne d’arpentage n’indique la limite. Il n’y a donc pas moyen de tirer une ligne. Claudia, perspicace de nature, décide d’utiliser l’information contenue sur le plan de son certificat de localisation fraichement confectionné lors de l’achat de sa maison, « après tout, ça coûte assez chère cette affaire-là! Autant l’utiliser au maximum ». Claudia avait remarqué les mesures inscrites sur le plan de son certificat de localisation. Notamment, celle à partir du coin de la maison jusqu’à la limite ouest où la clôture doit être érigée. À l’aide d’un galon à mesurer et de son oeil à l’équerre, elle place un piquet dans la ligne à exactement 3,15m des fondations à peu près dans l’alignement de la façade de sa maison. Claudia s’exclame ainsi « Voilà c’est fait, on vient de sauver environ 1000$ d’arpentage ».


Pendant ce temps, Roger s’affaire à chercher son vieux certificat de localisation. Roger rejoint Claudia sur les lieux des travaux, certificat de localisation en main. Ce dernier procède de la même manière que sa voisine afin de positionner la limite. Il plante un piquet de bois correspondant exactement à la distance inscrite sur son plan soit à partir du coin de sa maison en direction de la limite commune avec Claudia. Stupéfaction! La position du piquet posé par Claudia ne concorde pas avec celle que Roger vient de poser. Le piquet planté par Roger se situe à une distance de 20cm (presque 8 pouces) du piquet de Claudia, empiétant sur le terrain à Claudia selon les prétentions de cette dernière. Après multiples tentatives, les deux voisins ne réussissent pas à planter les piquets au même endroit. Un certain malaise s’installe et chacun des propriétaires restent campé sur ses prétentions. Claudia maintient que sa position de la limite est bonne puisque l’information provient d’un certificat de localisation bien plus récent que celui de Roger. À l’inverse, Roger se dit que ça fait bien plus longtemps qu’il est propriétaire et que son certificat est autant valide malgré sa date d’émission. Après quelques échanges qui ne permettent pas de trouver un terrain d’entente, ils décident de mettre sur la glace le projet et de demander conseil à un arpenteur-géomètre.


« Monsieur Thibaudeau, une cliente sur la ligne #1 qui désire des renseignements en matière d’arpentage ». C’est ainsi que Claudia me contacta afin d’obtenir des renseignements en rapport avec leur situation. Étant donné la nature du problème et que les relations n’étaient encore pas trop détériorées entre les deux voisins, j’ai invité Claudia et Roger à venir me rencontrer avec leurs documents afin de les conseillers. Voici un résumé des informations diffusées et des conseils émis lors de cette rencontre:


Premièrement, bien qu’il existe des informations pertinentes afin de situer les immeubles par rapport aux limites de propriété, le certificat de localisation n’est pas une opération d’arpentage ayant pour but de déterminer les limites de propriété.


Les certificats de localisation que les deux propriétaires avaient en main n’indiquaient pas si les mesures étaient prises à partir des fondations ou du revêtement extérieur des bâtiments. Cette ambiguïté est sans doute la source des différences de position obtenues d’autant plus que la technique de positionnement utilisée par les Claudia et Roger est approximative.


Vous devez savoir que lorsque vous désirez construire des ouvrages mitoyens avec un bon niveau de certitude quant au positionnement, il est judicieux de faire appel au service d’un arpenteur-géomètre, le seul professionnel habilité à effectuer ce type de travail. D’autre part, il existe deux types d’opérations d’arpentage visant à délimiter les propriétés soient le piquetage et le bornage.

Par contre, ces deux opérations comportent des différences majeures. Cela est particulièrement vrai dans le cas de l’opération de piquetage. Le piquetage représente l’opinion de l’arpenteurgéomètre quant à la position des limites de propriété. Un voisin ou même le client requérant peut contester la position des repères. On appelle « repères d’arpentage » les monuments qui sont plantés aux sommets du lot. Le piquetage implique l’arpenteur-géomètre et son client sans outefois impliquer officiellement les voisins concernés. En revanche, le bornage fixe la limite de propriété à perpétuité par le biais du procès-verbal de bornage. Cette opération implique officiellement dans son processus les propriétaires communs d’une limite de terrain. Dans le cas d’un bornage, ce sont des bornes qui sont plantés aux sommets du lot. Il est important en tant qu’arpenteur-géomètre de bien prendre connaissance de la situation afin de proposer la meilleure solution. Par ailleurs, mon prochain article portera sur le piquetage par opposition au bornage.


Pour revenir à Claudia et Roger, je leur ai proposé d’effectuer un levé préliminaire d’arpentage dans le but de leur présenter un plan de travail et les résultats de mon analyse foncière. Les résultats étaient concluants et m’ont permis d’établir la limite entre Claudia et Roger de manière claire et précise. Puisque la situation de Claudia et Roger représentait un faible niveau d’incertitude de la limite, que les conclusions de mon analyse ont été vulgarisées explicitement aux deux propriétaires et acceptées par ces derniers de plein gré, l’opération de piquetage répondait aux besoins et a été pratiquée. Un bornage n’était pas nécessaire. L’animosité entre Claudia et Roger s’est estompée et ils ont construit la clôture et conclu que les services d’un arpenteur-géomètre étaient finalement un bon investissement plutôt qu’une dépense. Bref, mieux vaut prévenir que poursuivre!


Richard Thibaudeau, associé principal

Arpenteur-géomètre et ingénieur forestier
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